Histoire vraie d’une famille et d’un chien qui n’auraient jamais dû se rencontrer…

Par respect pour la famille, les noms ont été modifiés.

 

La rédaction de cet article fut vraiment difficile pour moi parce que lors de ma rencontre avec ce poilu, je fus envahie par de multiples sentiments : la colère, la peur, la tristesse, la résignation et bien d’autres encore…

J’ai décidé de rédiger un article par rapport à cette expérience pour montrer que parfois un chien choisi par une famille peut ne pas lui correspondre et malheureusement une aventure qui aurait dû n’être que joie et bonheur peut se transformer en un véritable cauchemar.

Cette rencontre m’a confortée quant à mes opinions sur les centres de dressage, qui existent sur l’hexagone et qui emploient toujours des méthodes d’apprentissages douloureuses, et sur les conséquences que cela peut engendrer…

« Je m’appelle Lou, j’ai 3 ans 1/2 et je suis un magnifique berger allemand. J’ai rencontré Chrystel d’abord chez moi en consultation comportementale à domicile parce que mes humains estimaient que je présentais des comportements inappropriés, bon c’est vrai j’ai déjà mordu très sérieusement une personne mais c’est de sa faute il voulait rentrer chez moi.

Voici mon histoire … »

Lou vit chez la famille X qui compte 3 personnes. Il y a Paul (le père), Sylvie (la mère) et Alex (le fils âgé de 25 ans). Ils avaient un petit chien de 16 ans qui est tombé malade et qu’ils ont malheureusement dû faire euthanasier afin de lui éviter d’atroces souffrances. Mais Alex ne le supporta pas et commença à déprimer sérieusement. Pour le bien être de leur fils, Paul et Sylvie décidèrent de reprendre un chien. Pour lui faire plaisir ils laissèrent Alex gérer la recherche de ce nouveau compagnon. La famille souhaitait qu’il soit déjà éduqué et puisse aussi garder la maison.

Après quelques coups de clics sur Google, Alex trouve un endroit en Bretagne qui semble répondre aux attentes de la famille. Très vite, celle-ci se rend sur place. On leur propose d’abord deux malinois mais finalement on leur dit que non, ce type de chien ne leur conviendra. Effectivement Alex n’arrive pas à tenir aucun des deux chiens. Ensuite on leur amène Lou, il a alors à peine 2 ans, 22 mois précisément. Il semble répondre aux attentes et Alex crée de suite un lien affectif avec son nouveau compagnon. On explique vite fait à ce jeune homme comment faire pour faire obéir ce chien. Des conseils d’un autre temps basés sur des méthodes moyenâgeuses lui sont donc donnés.

Mais voilà l’endroit dans lequel Lou a grandi est un centre de vente de chiens de travail dressés pour des disciplines bien précises (stupéfiants, protection, garde et détection explosifs). Personne n’explique à cette famille ce que sont ces chiens et quelles sont leur utilité. Le contrat de vente est signé et dessus il est précisé manuellement que le centre ne pourrait être tenu pour responsable si le chien venait à mordre. Comment un professionnel canin digne de ce nom a t’il pu vendre un chien qu’il savait potentiellement dangereux ? Je m’interroge sur les responsabilités juridiques si un accident très grave arrivait. Je ne comprendrai jamais que l’on puisse vendre un chien sans se préoccuper de son devenir.

Ce chien a tout de même été vendu 2700€ ! Vous verrez par la suite qu’une somme exorbitante n’est absolument pas un gage de qualité dans la vente de chiens. De même qu’il faut être extrêmement vigilant sur les annonces de chiots vendus à bas prix !

Les mois passent tranquillement, Lou devient de plus en plus compliqué en balade. Il ne supporte pas les autres chiens ni les passants qui s’approchent trop près de ses humains. Quelque temps après, il finit par mordre un voisin au bras que Sylvie avait invité à rentrer.

Lors de ma 1ère rencontre avec Lou, je me retrouve face à chien qui me tient à distance en aboyant et qui me fait bien comprendre que je n’ai pas intérêt à tenter quoique ce soit. Je respecte bien sûr cette mise en garde.

La famille et moi-même prenons place à la table de la salle à manger et commençons à discuter.

Après un temps j’interpelle Lou calmement. Je ne reçois alors que de forts aboiements. Je prends en compte sa réponse et l’ignore de nouveau. Pour autant, celui-ci m’apporte un jouet à plusieurs reprises mais dès que je tente une approche, les aboiements reprennent de plus belle. Je note alors une véritable incohérence dans sa communication.

Je remarque également qu’il y a beaucoup de tensions entre les membres de cette famille. La mère  n’a absolument pas confiance dans ce chien et en a peur. Le père est partagé entre sa femme et son fils. Quant au fils, il se voile totalement la face et ne mesure pas du tout l’ampleur du problème. Au fur et à mesure que nous discutons, je comprends que le dressage de Lou au centre a été réalisé en méthodes coercitives.

La 2ème rencontre avec cette famille a lieu sur un terrain neutre parfaitement clos de murs avec un portail plein. Lou ne peut donc pas me voir de dehors. J’ouvre le portail et prends de la distance afin qu’il ne soit pas surpris.

La famille entre, Lou est tenu en laisse et en longe par le père. Il est équipé d’un collier étrangleur et d’un harnais Julius. La laisse est en tension car Lou est particulièrement énervé. Une fois le portail fermé, je demande à ce qu’on détende la laisse. Une fois la laisse détendue, je demande juste à Paul de tenir Lou en longe lui donnant ainsi la possibilité de venir au contact. Lou arrive sur moi très rapidement et de façon hostile. Poussée contre un mur il m’attrape la main puis le bras – sans gravité grâce aux épaisseurs de mes vêtements. Je demande à ce que l’on mette la muselière et propose également un harnais anti-traction à la place du collier étrangleur et du Julius.

Lors de cette séance, Lou n’a eu qu’un seul objectif : me tenir à distance par tous les moyens. J’ai du esquiver de nombreuses attaques.

Je conclus et la famille est d’accord avec moi que son comportement est lié à ma tenue vestimentaire. En effet, je porte un gros sweat à capuche et une grosse doudoune par-dessus. De par son dressage, Lou a été confronté à des costumes d’attaque. Dès l’instant où il a eu franchi le portail, il m’a pris pour cible comme lors des entraînements qu’il a suivis.

Nous arrêtons la séance et j’explique à la famille que Lou est dangereux et imprévisible. Même si à ce jour, il n’a pas redirigé d’agressions sur ses humains, c’est une situation qui est malheureusement possible et qu’il ne faut pas négliger.

J’ai revu cette famille dès le lendemain car suite à une conversation téléphonique que nous avons eue, pour elle ce sont mes vêtements de la veille qui sont la cause du comportement aussi agressif que Lou a eu envers moi. Je pose alors une question : quelle réaction ce chien va-t-il avoir s’il rencontre des personnes habillées avec de gros manteaux/blousons ? De plus, Paul et Alex trouvent que la muselière rend Lou beaucoup plus nerveux et réactif. Ce qui est compréhensible puisque Lou n’y est pas habitué. Nous décidons donc de nous revoir dans l’après-midi. Je ne porterai pas de vêtements volumineux afin de ne pas réveiller le conditionnement au costume. La famille arrive sur un chemin par un côté et moi par l’autre comme si chacun se baladait. La réponse de Lou est sans appel. Paul doit le tenir fermement. Nous faisons ainsi quelques allers-retours de loin. Le regard et le comportement de Lou sont agressifs et fixés sur moi. Alex et moi-même nous mettons à discuter pendant que Paul promène Lou. Sylvie se trouve dans le milieu de notre groupe. Nous partons en balade et décidons d’aller en ville afin que je puisse observer les réactions de Lou lorsqu’il rencontre d’autres humains ou chiens. J’ai réussi à réduire ma distance et peux me promener avec la famille. Je reste tout de même à environ 1,50m de Lou. Il m’est toutefois impossible de l’approcher. Nous décidons de changer le promeneur et c’est Alex qui prend son chien en laisse. Nous faisons quelques mètres ainsi mais de par sa corpulence Lou emmène Alex là où il veut. Pour des raisons de sécurité Paul a repris la laisse. Je vois que les balades sont très compliquées et deviennent très vite un enfer. Lou est en hyper-vigilance constante et observe tout ce qui l’entoure. Paul le surnomme d’ailleurs « la tour de contrôle ». Celui-ci est lui aussi obligé de faire attention à tous les coins de rue et de bien gérer l’environnement. La balade est constamment faite en laisse tendue. Sur notre route, dans une rue, nous avons rencontré un chien au loin (15/20 m environ). La vision de celui-ci a déclenché chez Lou une réaction extrêmement virulente. Nous avons été obligés de nous mettre en retrait dans un coin isolé afin que Lou n’ait plus ce chien en visu. Nous terminons notre sortie sur un parking où nous essayons de travailler la marche en laisse mais toute ma gestuelle est observée et suscite de vives réactions (ex : bras tendus pour montrer quelque chose par exemple). Ma petite idée est faite sur ce chien… mais je vais tenter un dernier exercice. Simuler une rencontre de face comme il en arrive dans la vie de tous les jours. J’arrive donc à hauteur de Paul mais reste à une distance d’1m50 environ (vigilance et sécurité obligent) et je commence à le saluer verbalement. Si Lou n’avait pas été tenu fermement il se jetait sur moi pour m’attraper.

J’ai donc vu Lou 3 fois. Entre la séance à domicile et la séance sur terrain clos et en extérieur, je n’ai pas observé le même chien. La séance en milieu extérieur m’a permis de confirmer mon second regard sur ce chien.

À l’issue j’ai conseillé à cette famille de consulter un vétérinaire comportementaliste. Je leur ai suggéré 2 professionnels réputés mais situés en région parisienne. La famille décide d’en choisir un qui exerce sur le département. J’avais réalisé un compte rendu détaillé que la famille a donné à ce vétérinaire. Mais ce que je craignais, arriva. Ce vétérinaire n’est pas d’accord avec moi, et selon moi a très largement minimisé la dangerosité de ce chien et a surtout négligé le véritable problème : les manquements dans le dressage. Malheureusement ce vétérinaire est resté sur des acquis vieux de 20 ans et plus, et visiblement n’a que très peu de connaissances en éthologie. Bref ceci est un autre problème.

Lou est un chien qui a été conditionné à la protection et à la défense du maître d’où le fait qu’il « fasse le ménage » autour de sa cellule familiale. Je ne peux malheureusement qu’imaginer comment ce dressage a été fait parce qu’un chien dressé pour ce type d’intervention ne doit pas agir de sa propre initiative surtout si son humain ne subit aucune agression physique. Il est censé attendre les ordres de son humain. Ce que Lou ne fait pas. Il considère tout comme un danger potentiel. De plus, nous n’avons aucune connaissance quant aux conditions d’élevage. Par conséquent, nous n’avons pas d’informations sur son comportement de chiot ni celui avec sa fratrie.

Cela peut sembler présomptueux de juger un vétérinaire mais lorsqu’il s’agit de la vie d’individus, je n’ai pas d’états d’âme. Outre le fait que Lou ait été placé sous médicament (ce qui est une bonne chose à condition que le but ne soit pas d’assommer ce chien), les seuls conseils qui ont été donnés à cette famille sont de remettre une hiérarchie au sein de la famille (comme si le fait de faire bouffer un chien sans la présence de ses humains allait tout arranger) et de mettre une muselière quand elle reçoit du monde. Pfff…😔

Cette famille a acheté ce chien auprès de soi-disant professionnels en leur faisant totalement confiance. Et malheureusement aujourd’hui elle se retrouve avec un chien qui s’avère être un véritable fardeau pour elle. Leur vie sociale se détériore car ce chien fait peur et est véritablement dangereux. Comment de tels chiens peuvent-ils être vendus à des particuliers novices en matière de connaissances canines ? Autre chose : il est demandé un permis de détention pour les amstaffs, les rotts ou les tosa et tous les chiens croisés issus de ces races mais pas pour ce type de chiens alors que l’on est clairement face à une véritable arme par destination !

Moralité : si vous ne savez pas vers quelle structure vous tourner pour choisir un chiot/chien, faites appel à un professionnel canin travaillant dans le respect du chien. Qu’est-il préférable ? Payer une séance et avoir de bonnes cartes en main pour choisir votre futur compagnon ? Ou acheter un chien chez des marchands de chiens qui ne pensent qu’aux profits et qui ne soucient pas du tout du développement comportemental de leurs chiots ? ce qui engendrera des troubles qu’il vous faudra traiter par une thérapie plus ou moins longue et donc coûteuse.

Ce chien m’a profondément touché et marqué et j’ai beaucoup de peine pour lui parce qu’en fait il lui est reproché d’être ce qu’on lui a demandé de devenir. En somme il ne fait que reproduire ce qu’on lui a inculqué. Alors à qui la faute ? On peut se demander si réellement ce chien se trouve dans la « bonne » famille. Je veux dire par là, est-ce que ce type de chien peut vivre correctement dans une famille lambda ?

Dans son malheur, Lou a une véritable chance, c’est d’être tombé sur des humains qui ont choisi de consulter des professionnels plutôt que d’opter pour une décision simple et radicale qu’est l’euthanasie. Parce que sincèrement combien de personnes auraient choisi la solution de facilité ?

 

Chrystel – Edu’Cat Pat – Éducation & comportements du chien

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